Caméra de surveillance… 5% d’efficacité!
Surveillance par caméras :
fantasme technologique ou outil utile ?
Une surveillance permanente ? Pas si simple.
Si l’image d’un centre de contrôle où chaque rue serait scrutée en permanence peut sembler rassurante, la réalité est bien plus nuancée. Les agents présents derrière les caméras sont peu nombreux et doivent gérer simultanément de nombreuses tâches, souvent urgentes.
Personne ne regarde les images en continu.
Après une étude approfondie dans cinq zones du pays, dans le cadre d’un projet de recherche financé par Belspo. Leur constat est clair : les pratiques varient fortement d’une zone à l’autre, et l’idée d’une surveillance continue est largement exagérée. « Personne ne regarde les images en continu », affirme la chercheuse, qui dénonce le fantasme d’une technologie omnisciente.
Un appui ponctuel, loin de la patrouille virtuelle !
Depuis son bureau de chef de corps, Olivier Slosse ne dit pas le contraire. « Au niveau de notre dispatching, les personnes peuvent certes choisir de visionner telle ou telle caméra sur leurs écrans, et éventuellement venir en appui des interventions, en orientant des caméras vers les secteurs d’intérêt. Mais a priori, elles ne font pas un travail de patrouille virtuelle », précise-t-il, soulignant le recours encore marginal à l’image en temps réel par les services d’intervention.
1,13 %
Des limites techniques, humaines… et d’efficacité.
Une étude menée par la Gendarmerie nationale en 2021, sur près de 2 000 enquêtes judiciaires dans quatre territoires français, révèle que les enregistrements de vidéoprotection ont contribué à l’élucidation de seulement 1,13 % des enquêtes. Parmi celles-ci, 0,46 % ont bénéficié d’indices vidéo et 0,67 % de preuves vidéo.
Une plus-value marginale.
L’étude conclut que, malgré leur faible rendement global, les caméras peuvent apporter une plus-value ponctuelle dans certaines affaires :
- les vols de véhicules (7,5 % d’indices trouvés),
- les violences (5,7 %),
- les cambriolages (2,4 %).
Ces chiffres restent modestes et ne permettent pas de considérer la vidéoprotection comme un levier majeur d’élucidation.
Un effet dissuasif difficile à prouver.
« Naïvement, les élus croient en l’efficacité de la vidéosurveillance en pensant qu’il n’y aura pas de passage à l’acte du fait de la présence de caméras », observe Vincent Francis.
Mais en pratique, ces dispositifs fonctionnent très peu dans une logique préventive, notamment parce qu’ils ne sont pas articulés à une intervention immédiate.
L’effet dissuasif semble limité à des cas très spécifiques, comme les dépôts de déchets clandestins, où les zones surveillées sont plus restreintes. « La littérature scientifique est unanime sur l’inefficacité des caméras », confirme Nicolas Bocquet, chercheur en sciences politiques à l’UCLouvain. Une enquête belge menée en 2011 pour le SPF Intérieur le soulignait déjà : la vidéosurveillance n’a pas d’impact notable sur les faits de violence ou d’agression, souvent commis sans préméditation. Les auteurs de ces actes ne cherchent pas nécessairement à éviter les caméras. En revanche, les délinquants ciblant les biens ou les fraudeurs ont davantage tendance à se déplacer pour agir hors champ.
Une dépendance coûteuse et peu évaluée.
Les systèmes de vidéosurveillance continuent de se développer, sans réelle évaluation de leur efficacité. « Il y a une croyance dans l’efficacité de ces systèmes qui consiste à ne jamais les remettre en cause », souligne Vincent Francis. Et une fois le système installé, les coûts s’accumulent : licences, maintenance, mises à jour logicielles…
« Les communes sont prises dans un chemin de dépendance », ajoute Nicolas Bocquet. « C’est une course en avant sans fin. Le nombre de cas où les caméras servent à résoudre une affaire judiciaire est très faible par rapport au coût de l’investissement.(…) »
Mais alors, pourquoi les les autorités communales installent autant de systèmes de vidéosurveillance sur leur territoire ?
Les autorités communales avancent plusieurs raisons :
- lutte contre la délinquance,
- dépôts clandestins,
- contrôle du trafic,
- réponse aux attentes citoyennes.
Mais pour les élus, il s’agit aussi de réagir et de montrer rapidement à leurs habitants que leurs doléances ont été prises en considération. Installer des caméras est coûteux, mais c’est une décision qui peut se prendre vite… et qui se voit. « La question de la finalité de la caméra n’est pas toujours pensée en amont », souligne Vincent Francis. Il n’en serait pas moins devenu difficile de justifier le fait de ne pas en placer.
Certains maïeurs évoquent pour leur part les attentes explicites de la population. « Je n’ai jamais eu un taux de criminalité aussi bas », observe Mathieu Perin, bourgmestre (Les Engagés) de Les-Bons-Villers (9.705 habitants). « Mais, au moindre vol, les plaintes sur les réseaux sociaux s’emballent. » Dans cette commune rurale, une petite majorité s’est prononcée par référendum en faveur de l’installation de caméras après plusieurs vols de portières de Mercedes. « Personnellement, j’ai voté contre », précise Mathieu Perin. « Cela va nous coûter 200.000 euros que j’aurais préféré investir ailleurs, dans les mouvements de jeunesse ou dans l’associatif, par exemple. On espère qu’avec les caméras, les voleurs ne viendront plus chez nous. Le retour sur investissement n’est pas bon, mais ce n’est pas ce qu’on cherche : ce que l’on veut, c’est diminuer le sentiment d’insécurité. » L’éventuel recul du sentiment d’insécurité résultant de pareilles installations, demeure pourtant impossible à objectiver.
Et la vie privée dans tout ça ?
Souvent reléguée à l’arrière-plan, la question du respect de la vie privée est pourtant centrale. « Le droit à la vie privée est un droit fondamental », rappelle Emmanuelle de Buisseret Hardy, juriste à la Ligue des droits humains. « Un glissement s’opère vers une surveillance beaucoup plus attentatoire. »
Sources :
- D’après le dossier du Soir : https://www.lesoir.be/709078/article/2025-11-05/en-dix-ans-la-videosurveillance-conquis-plus-de-trois-communes-sur-quatre
- https://www.police.be/5337/actualites/quelle-efficacite-de-la-videosurveillance-pour-les-enquetes-judiciaires
- https://www.lagazettedescommunes.com/telechargements/2021/12/synthese-detude-v1.pdf
